20.10.12

A Rimbaud appartient Octobre

A Rimbaud appartient Octobre
(Octobre 2012 : 20-10-1854)

A Rimbaud appartient le charme d'Octobre.
Bien loin, à des vents effarés, loin de l'opprobre
Joutent quelques grêlons aux grâces de la brume
Contre l'hiver froid, par une envolée de plumes.

Le soleil se réjouit de brûler et de fondre ;
L'été crépusculaire allonge ses ombres ;
Le printemps d'hiver fronde, et par dessus allume
Les vives couleurs de feu. La saison se résume :

Octobre sublime adjure aux forêts entières
Le rosaire orangé, à l'air amer. La mer
Agite l'écume, comme une mousseline 

S'embarquant au vent vif, tournant sur la colline.
A Rimbaud appartient Octobre, fièvre et fier
De marquer dans ses fers sa saison vers l'Enfer.

B.M.



Octobre appartient à Rimbaud comme Rome à César. Rimbaud et son auguste mine, Arthur et son empire de poésie. Rimbaud rime, résonne, rayonne de ses 158 ans d'éternel adolescent. Rimbaud évoque en chacun le charme de la jeunesse éternelle, la sensibilité de l'innocence, l'invitation à l'évasion et à la bohème, le rebelle agité, l'utopiste endiablé, l'amoureux exacerbé, le contemplateur, l'impertinent, l'égoïste, le fou, le passionné, l'impossible concession, la fougue et la modernité. De sa solitude, il a fait un voyage quand de sa plume, il a abdiqué d'un empire poétique.

Verlaine clôt sa préface des Poésies (1895) en regrettant que l'homme n'ait pas laissé vivre davantage le poète puisqu'il cesse d'écrire à 20 ans, aussi prématurément qu'il meurt jeune, à 37 ans. "Rimbaud fut un poète mort jeune mais vierge de toute platitude ou décadence ― homme il fut un homme mort jeune aussi mais dans son vœux bien formulé d’indépendance et de haut dédain de n’importe quelle adhésion à ce qu’il ne lui plaisait pas de faire ni d’être."

Supposition d'une photo de Rimbaud, à 25 ans,
à l'hôtel de l'Univers (nov. 1979)

Le fantôme d'un adulte qui est mort garde le visage éternel d'un adolescent vivant au cœur du patrimoine de la culture mondiale. Rimbaud respire encore de son insolence quand il inspire les artistes même hors de son temps. Toujours moderne, il souffle à Verlaine puis tellement d'autres et de plus nombreux anonymes. Son histoire fascine mais le mythe l'emporte sur la vie d'un homme, on se rend compte qu'il véhicule la même passion des sensations.


« C'était en octobre 1973. J'ai accompli un pèlerinage solitaire à Charleville en passant par Paris. J'ai pris le train pour Charleville-Mézières, et quand je suis arrivée ce soir-là sous la pluie légère, submergée par l'émotion, j'ai fondu en larmes. 
Avec le peu d'argent que j'avais, j'ai acheté à la papeterie d'à côté du papier quadrillé, simple mais joli, dans l'intention de dessiner et de noter mes impressions. Quand je suis allée au musée, il n'y avait personne. J'étais seule. J'avais du papier et des crayons et je me suis assise dans un coin. J'ai dessiné un portrait de Rimbaud et je l'ai daté. Je l'ai gardé pendant des années. Mon plus précieux souvenir de ce séjour est ce petit croquis que j'ai exécuté dans la pénombre du Musée Rimbaud. Ce croquis porte en lui toute la révérence rebelle de ma jeunesse. Même fâchée avec le monde entier, j'étais assez sentimentale pour être émue aux larmes à la vue de la valise et de l'écharpe de Rimbaud. […] Je garde toujours précieusement le ticket de ma visite… 
On peut y lire : Musée de l'Ardenne. Expositions. Prix d'entrée : 1F n°.009074. Ce franc si consciencieusement dépensé a rempli toute une vie de souvenirs doux-amers. »
Patti Smith


Près d'un siècle après, ce que je prends moi-même, pour ses meilleurs vers, Patti lui rend hommage pour la première fois et un réalisateur italien le fait passer au panthéon du cinéma. Nélo Risi, avec Una stagione all'Inferno, propose un Rimbaud incarné par Terence Stamp - que tout le monde ne peux imaginer aujourd'hui qu'avec ses tempes grises. La jeunesse de Rimbaud, éternelle, va de pair avec l'incroyable modernité de l'artiste. C'est pourquoi, aujourd'hui comme hier et demain, Rimbaud restera l'impudent adolescent.

Una stagione all'Inferno, Nelo Risi (1970)

Et si aujourd'hui l'automne résonne, c'est à Rimbaud que revient le mérite des couleurs des mots, du vent soufflé par son rythme et son phrasé. Laissez-vous entrainer, le temps d'un instant par le voyage saccadé d'un train en marche vers la modernité.


Rêvé pour l'hiver
à Elle.

L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l'œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratinée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...

Et tu me diras : "Cherche!" en inclinant la tête ;
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête !
- Qui voyage beaucoup...

En wagon, le 7 octobre 1870.
A. Rimbaud


Ma Bohème
(Fantaisie)

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ; 
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse! et j'étais ton féal ;
Oh! Là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!

Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse ;
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Octobre 1870.
A. Rimbaud


Entends comme brame

Entends, comme brame
près des acacias
en avril la rame
viride du pois!

Dans sa vapeur nette,
Vers Phœbé! tu vois
s'agiter la tête
de saints d'autrefois...

Loin des claires meules
des caps, des beaux toits,
ces chers Anciens veulent
ce philtre sournois...

Or ni feriale
ni astrale! n'est
la brume qu'exhale
ce nocturne effet.

Néanmoins ils restent
- Sicile, Allemagne,
dans ce brouillard triste
et blêmi, justement!

A. Rimbaud

16.10.12

A la suite de Jean



San Giovani Battista, 1602
Caravaggio
Olio su tela, 129 x 94cm
Musei Capitolini, Roma

Jean Pierre Cortot, 1815
Jean Auguste Dominique Ingres
Musée du Louvre, Paris

Passion selon Saint Jean, BWV245
Jean Sébastien Bach