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Again, 2002.
Again, 2002.
Semper eadem
D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ?"
— Quand notre coeur a fait une fois sa vendange
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,
Une douleur très simple et non mystérieuse
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse!
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous!
Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.
Laissez, laissez mon coeur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils !
L'enfer c'est d'aimer sans se rapprocher. L'enfer c'est d'aimer avec des reproches. Plus la faille nous empoigne, plus mon ombre, non loin s'en faut, plane sur moi, sur toi, sur nous.
Le sol gelé se déchire comme un tissu léger. Sous les pavés des bonnes intentions s'écroulent une partie du monde. Voilà le toit de l'enfer qui s'ouvre et s'offre comme nouveau royaume sombre et secret. La parade nuptiale, au rythme d'un carnaval se prend dans l'étau entre l'horreur et le rêve. La descente dévoile un volcan d'immondices, comme un charnier brûlant.
Les rêves se prennent au piège des émotions nauséeuses avec fureur. Dans une danse folle, une ronde violente et décadente, la tempête passionnelle s'attelle à la peur tremblante.
Autour de l'écho assourdissant, balancé, aspiré dans un dernier élan, le soleil fuit derrière le souffle de l'Etna. Les paniques terroristes emportent tout et l'image se resserre derrière ce passage, semble-t-il, à jamais refermé. Du moins jusqu'à la prochaine explosion.
Dans cette main tendue, à travers le sol, un murmure au coin de l'équinoxe.
D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ?"
— Quand notre coeur a fait une fois sa vendange
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,
Une douleur très simple et non mystérieuse
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse!
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous!
Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.
Laissez, laissez mon coeur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils !
- Charles Baudelaire (1821-1867)
Les fleurs du mal, 1857.
L'enfer c'est d'aimer sans se rapprocher. L'enfer c'est d'aimer avec des reproches. Plus la faille nous empoigne, plus mon ombre, non loin s'en faut, plane sur moi, sur toi, sur nous.
Le sol gelé se déchire comme un tissu léger. Sous les pavés des bonnes intentions s'écroulent une partie du monde. Voilà le toit de l'enfer qui s'ouvre et s'offre comme nouveau royaume sombre et secret. La parade nuptiale, au rythme d'un carnaval se prend dans l'étau entre l'horreur et le rêve. La descente dévoile un volcan d'immondices, comme un charnier brûlant.
Les rêves se prennent au piège des émotions nauséeuses avec fureur. Dans une danse folle, une ronde violente et décadente, la tempête passionnelle s'attelle à la peur tremblante.
PLUTON :
Auriez-vous, ma Reine, la délicate attention de bien vouloir m'émouvoir en me laissant vous étourdir par cette danse ?Autour de l'écho assourdissant, balancé, aspiré dans un dernier élan, le soleil fuit derrière le souffle de l'Etna. Les paniques terroristes emportent tout et l'image se resserre derrière ce passage, semble-t-il, à jamais refermé. Du moins jusqu'à la prochaine explosion.
Dans cette main tendue, à travers le sol, un murmure au coin de l'équinoxe.
PROSERPINE :
Mes larmes, tombant à terre, sont les seuls à jamais capables d'entamer ce vieux rocher... De marbre, je me terre puisque je voudrais ne jamais le quitter. Oh Jupiter, mon père, que mes larmes ne me lave plus de mon triste sort. Je voudrais rester dans ses bras, contrôler avec lui ce royaume.
Quelle amère vision qui tempère mes souvenirs de ce ciel clair. Me voilà flouée à une triste nouvelle, celle de l'été où les coquelicots de la colline me faisait rêver. Ici, je n'ai plus besoin de rêver. Ici ne s'émeut plus mon imagination. Ci-gît ma folle et grande passion. Qu'irais-je faire, dressée à flanc de colline, face au vent lissant mes cheveux ? Comment apprécierais-je, loin de ma fournaise, le retour sur mon île, ma chère Sicile, puisqu'aujourd'hui, plus que toujours, je l'ai épousé, j'y vis en son cœur. Je ne ressens plus rien si je ressors de l'ardeur et des flammes de mon épousé. Lui qui m'a enlevé au rêve pour m'offrir l'empire de son amour.
Alors je pleurerai pour appeler de mes larmes le Styx! Alors, je voguerai jusqu'à lui.
En plongeant ses yeux au creux de l'Etna, Proserpine laissait son amour le temps d'un hiver amer pour son cœur. Il en avait été décidé ainsi car au dessus, c'est l'été et elle devait retrouver sa mère sur terre.
PROSERPINE :
Que peut bien pouvoir valoir l'été s'il est obligé de nous séparer ? Combien l'air peut me paraître des plus frais s'il me gèle par l'absence de tes caresses ? Par le plus sain des virus, j'angoisse !
Quelle amère vision qui tempère mes souvenirs de ce ciel clair. Me voilà flouée à une triste nouvelle, celle de l'été où les coquelicots de la colline me faisait rêver. Ici, je n'ai plus besoin de rêver. Ici ne s'émeut plus mon imagination. Ci-gît ma folle et grande passion. Qu'irais-je faire, dressée à flanc de colline, face au vent lissant mes cheveux ? Comment apprécierais-je, loin de ma fournaise, le retour sur mon île, ma chère Sicile, puisqu'aujourd'hui, plus que toujours, je l'ai épousé, j'y vis en son cœur. Je ne ressens plus rien si je ressors de l'ardeur et des flammes de mon épousé. Lui qui m'a enlevé au rêve pour m'offrir l'empire de son amour.
Alors je pleurerai pour appeler de mes larmes le Styx! Alors, je voguerai jusqu'à lui.
En plongeant ses yeux au creux de l'Etna, Proserpine laissait son amour le temps d'un hiver amer pour son cœur. Il en avait été décidé ainsi car au dessus, c'est l'été et elle devait retrouver sa mère sur terre.
PROSERPINE :
Que peut bien pouvoir valoir l'été s'il est obligé de nous séparer ? Combien l'air peut me paraître des plus frais s'il me gèle par l'absence de tes caresses ? Par le plus sain des virus, j'angoisse !
PLUTON :
Cachez votre émotion ma Reine, ma très chère Reine. Rappelez vous de ne pas louer tant et si près des Dieux votre tendre félicité en Amour. Plût aux Dieux de priver Niobé, par son orgueilleuse fécondité, de ce qu'elle avait de plus précieux. A louer son bonheur, elle en fit rougir les Dieux et mourir ses enfants.
J'irai contre votre sein, par la nuit, en son clair de Lune, presser le lait de notre amour. Je presserai le temps de faire venir l'hiver. Je caresserai de lave ce paysage radieux où ceux qui ignorent ne font que croire. J'exploserai comme un feu d'artifice, dussé-je vous brûler par ma passion. Je vous aime et j'imprime en Enfer toutes les raisons que j'ai de vous enlever.
Nicolò dell'Abate (1509 ou 1512-1571)
L'Enlèvement de Proserpine - vers 1560
Huile sur toile - 215 x 196 cm
Paris, Musée du Louvre.
Albrecht Dürer (1471-1528)
L'Enlèvement de Proserpine, 1516.
Nicolas Mignard (1606-1668)
L’Enlèvement de Proserpine, 1651
L’Enlèvement de Proserpine, 1651
Huile sur toile - 116 x 141 cm
Milan, Galleria Silvano & Lodi.
L’Enlèvement de Proserpine (Détail), 1631
Huile sur panneau de chêne - 84,4 x 79,7 cm
Berlin, Gemäldegalerie.
Sed non satiata
Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,
Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
Ô démon sans pitié! verse-moi moins de flamme ;
Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,
Hélas! et je ne puis, Mégère libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine!
- Charles Baudelaire (1821-1867)
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